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ANTONY VALABRÈGUE.


On nous donnerait pour la nuit
La chambre isolée et bien close
Où l’on goûte, loin de tout bruit,
Le long sommeil qui nous repose.

Et le matin, à ton réveil,
Tu te mettrais à la fenêtre
Pour voir le lever du soleil,
Que tu n’as jamais vu peut-être.

Qu’en penses-tu, toi dont l’amour
Dans tous mes rêves m’accompagne ?
Dis, viendra-t-il jamais, le jour
Où nous vivrons à la campagne?

Pour moi, j’ai peur, quand j’ai quitté
L’humble et petite hôtellerie,
De ne plus la voir en été,
Avec sa tonnelle fleurie.

L’automne vient, et de sa main
Souvent il frappe à la même heure
Et les grands arbres du chemin,
Et les vieux murs de la demeure.

Tout meurt, puis un jour, au hasard,
Près de la grand’route on repasse :
Et l’on cherche en vain du regard
Le seuil qui gardait notre trace.

Où sont les souvenirs joyeux
Qu’on laisse partout quand on aime ?
Notre cœur nous semble plus vieux,
L’amour d’hier n’est plus le même.