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ANATOLE FRANCE.

Malgré le succès des Noces corinthiennes, on doit regretter que M. France ne soit pas davantage resté dans les petits sujets où sa nature délicate et un peu prétentieuse — nous employons le dernier mot dans sa bonne acception — se trouve tout à fait à l’aise. En prose il en est un peu de lui comme en poésie. Ce en quoi il excelle, ce sont les contes, les légères fantaisies, les airs de flûte, non les gros romans, encore moins l’histoire lointaine et héroïque, dont sa fine critique et son imagination ne sauraient trop s’éloigner. Qui le peut lire sans être ravi de son marivaudage et sans désirer qu’il s’en tienne là ? Pour prendre une comparaison antique, — très bien en place du reste dans ce jugement sur l’auteur des Noces corinthiennes, — que M. France se garde de lancer en pleine mer, en pleine immensité, son léger esquif, lequel n’est point fait pour affronter semblable péril, ni résister aux grands coups de vent. M. France — qui n’envierait sa part ? — est surtout un écrivain de rives fleuries et d’eau douce, charmant, artificiel, comme les bergers de Sceaux ou de Trianon. Peut-être, après beaucoup de circuits, finira-t-il par retrouver un jour son excellent point de départ, c’est-à-dire la poésie, qui lui fournit probablement encore ses meilleurs titres à l’estime des vrais lettrés.

Les œuvres poétiques de M. Anatole France ont été publiées par A. Lemerre.

E . Ledrain.


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LES CERFS




Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l’heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l’un l’autre à grands coups d’andouillers.