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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


J’arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front ;
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposée.
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers ;
Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu, puisque vous reposez.


(Romances sans paroles)


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L’âme antique était rude et vaine
Et ne voyait dans la douleur
Que l’acuité de la peine
Ou l’étonnement du malheur.

L’art, sa figure la plus claire,
Traduit ce double sentiment
Par deux grands types de la Mère
En proie au suprême tourment.

C’est la vieille reine de Troie :
Tous ses fils sont morts par le fer.
Alors ce deuil brutal aboie
Et glapit au bord de la mer.

Elle court le long du rivage,
Bavant vers le flot écumant,
Hirsute, criarde, sauvage,
La chienne littéralement !…