Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


L’allégresse déborde en mon âme si pleine
Que l’excès du bonheur la ferait se briser,
Et, buvant les parfums ambrés de son haleine,
J’étreins ce chérubin dans un profond baiser !

Puis, fière, elle m’appelle et me montre l’ouvrage
Tracé sur le papier qu’elle m’a dérobé ;
Moi, père, je souris en admirant la page
Et dis à l’écrivain : « C’est bien, charmant Bébé. »

Les yeux mouillés, je veux me remettre à la tâche,
Mais l’innocent démon redouble ses ébats,
Et, doux fascinateur, il jase et me détache
De tous les grands penseurs qui ne le valent pas.

Et je vois au milieu des lignes confondues
Passer le frais minois de cet être adoré,
Et mes distractions ne seront pas perdues
Puisque je suis heureux et puisque j’ai pleuré !


____________



OMPHALE




La molle Lydienne est pesamment ornée,
Car elle a dans sa main la massue au bois fort
Qui mettait les brigands et les monstres à mort,
Et son dos est couvert de la peau de Némée.

Le héros rampe aux pieds de la sirène aimée ;
Il porte, vil esclave oublieux de l’effort,
La longue stole jaune et, frangé sur le bord,
Un éclatant manteau de pourpre parfumée.