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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


C’est votre œuvre qui dure, et vous êtes le maître,
Et si l’orgueil glaçait les sentiments que j’ai,
Je craindrais de vous voir, ô mon père, apparaître
Sous l’ombre de vos bois comme un spectre affligé !


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DANS LE MIROIR D’UNE ÂME




Parfois un homme triste, humble, découragé
Par l’idéal lointain dont il se sent rongé,
Subit amèrement la destinée ingrate
D’être à soi-même objet de dégoût et d’ennui,
De juger sa misère et de ne voir en lui
Ni force, ni vertu, ni grâce qui le flatte.

Pourtant il est aimé d’une femme au grand cœur :
Et quel charme aussitôt relève sa langueur !
Par quelle nouveauté le sort le dédommage !
Car il peut, se penchant sur cette âme, s’y voir
Changé par le reflet du féerique miroir
En une merveilleuse et rayonnante image,

L’image de lumière et de noble contour,
L’image de beauté sans tache que l’amour
Dans le cœur généreux de l’amante fait naître,
Portrait qui nous ravit d’un tendre étonnement
Et se laisse sans honte accueillir un moment,
Puisqu’on apparaît là tel qu’on eût rêvé d’être !


(La Nature et l’Âme)


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