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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Ta place est au soleil ; moi, la mienne est dans l’ombre.
Fleuris dans ta lumière, âme aux espoirs si beaux !
J’appartiens au passé : laisse le cyprès sombre
Ombrager de son deuil la pierre des tombeaux !




LA PENSÉE




Plus prompte que la vague aux perfides caresses,
Plus prompte que l’aurore aux menteuses promesses,
Plus prompte que la nuit aux brûlantes ivresses,
                   Tu vins et t’en allas !
Comme une terre nue et par l’hiver mouillée,
Comme une nuit sans rêve et d’astres dépouillée,
Comme un cœur dont la joie au vent s’est effeuillée,
                   Je suis seul, seul, hélas !

L’été revient avec son oiseau, l’hirondelle ;
La nuit retrouve au bois le rossignol fidèle ;
Mais ton emblème à toi, c’est le cygne : ouvrant l’aile,
                    Tu m’as fui sans retour !
Mon cœur porte en secret le deuil de ma jeunesse ;
Je meurs d’un rêve éteint sans vouloir qu’il renaisse !
Ainsi que mon printemps ta fragile tendresse
                    N’aura duré qu’un jour !

À toi le lis sans tache, ô blanche fiancée !
À toi, femme, la rose entre tes doigts bercée !
À toi la violette, ô vierge trépassée !
                    La pensée est ma fleur :