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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Siècle dur aux grands cœurs ! Quand la peste inhumaine
Dans Valence abattait ceux qui luttent encor,
On dit qu’un Sarrasin, dont l’armure était d’or,
Vint demander l’aman et la croix plus certaine.

Il chancelle, on l’accueille ; il s’assoit au festin :
La coupe du pardon circulait à la ronde,
Et chacun y puisait au fond la peste immonde.

Lorsque le clair soleil apparut le matin,
Il recula d’horreur… Ô Sarrasin infâme !
Ton souffle empoisonné vit encor dans notre âme !


III


Rassure-toi, mon cœur ! Le temps est arrivé,
Nous touchons au triomphe, et Roland ressuscite !
Ganelon éperdu fuit… Charle nous incite
À rompre le destin où l’honneur est rivé.

Par delà l’Océan qui gronde comme un Scythe
Et qui voudrait garder son captif avivé,
Le roi fidèle, Arthur, par Merlin captivé,
Se lève et dit : « Marchons, marchons, l’honneur m’excite.

« Autour de Kiffhauser entendez-vous ces cris ?
Réveillez-vous, corbeaux effrayants et surpris !
Voici les compagnons du vieux roi Barberousse.

« Donnez-moi mon épée, et sortez mon pennon ;
J’ai bien assez longtemps dormi… L’honneur me pousse,
Et ce n’est pas en vain qu’on invoque mon nom ! »