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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


VIII

ÉPILOGUE

À UNE GRANDE FORÊT


Ô pasteurs ! Hespérus à l’occident s’allume ;
Il faut tenter la cime et les feux de la brume !
Un bois plutonien couronne ce rocher,
Et je veux, aux lueurs des astres, y marcher.
Ma pensée habita les chênes de Dodone ;
La lourde clef du Rêve à ma ceinture sonne,
Et, détournant les yeux de ces âges mauvais,
Je suis un familier du Silence, — et je vais !…
Je ressens, au nom seul des amours ou des haines,
Cette pitié qui tord les bras levés des chênes.
— Mais, déjà la lisière apparaît ! Hâtons-nous.
Lucioles, bluets de feu, peuplez les houx ;
Souffles des frondaisons, esprits du lieu sauvage,
Flottez, acres senteurs de l’herbe après l’orage !
Gommes d’ambre, coulez sur le tronc rouge et vert
Des arbustes !… Chevreuils, partez, sous le couvert !
Puisque le cri d’éveil qui sort des nids de mousses
(Grâce au minuit des bois) charme les femmes douces,
Ô Muse, en cet exil sacré fuyons tous deux !
Aquilons, agitez les pins sur les aïeux,
Qu’ils reposent en paix sous vos lyres obscures !
Sur les lierres tombez, ô pleurs d’or des ramures !…
Miroir du rossignol, la source de cristal,
Bruissante, reluit sur le sable natal :