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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Oh ! c’est là que j’aurais voulu vivre, et j’avais
Un amer désespoir à voir que je rêvais.
Je t’adorais alors, Venise purpurine,
Comme une jeune fée aux yeux d’aigue-marine,
Qu’on ne peut conquérir, qu’on ne peut oublier,
Qu’on désire, et que garde un lion familier.
Aujourd’hui, ce n’est plus ainsi que je t’adore.
Je t’ai vue autrement, je t’aime plus encore :
Ta gloire a disparu ; mais l’âpre adversité,
En brisant ton orgueil, a grandi ta beauté,
Et tu sais maintenant ce que c’est que les larmes.
Aux étrangers vainqueurs livrée un jour sans armes,
Le désespoir voila ton front éblouissant.
Or, cela t’a donné le charme tout puissant
D’une reine très belle et très infortunée,
Pâle d’avoir été longtemps emprisonnée,
Libre à peine, cherchant dans son cœur jeune encor
Les songes qui jadis y prenaient leur essor,
Et courbant à ses pieds tout jaloux, tout rebelle,
Depuis qu’elle n’est plus que malheureuse et belle.

(Poèmes d’Italie)



LA RONDE DES BOIS




Au chant des Sphères radieuses,
Autour de nous, sur le chemin,
Dansent en rond douze danseuses
Se tenant toutes par la main.

Chacune à son goût s’est ornée
De joyaux ou de fleurs des bois ;
Ce sont les filles de l’Année,
Les Déesses jeunes des Mois.