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SULLY PRUDHOMME.


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Nous prospérons ! Qu’importe aux anciens malheureux,
Aux hommes nés trop tôt, à qui le sort fut traître,
Qui n’ont fait qu’aspirer, souffrir et disparaître,
Dont même les tombeaux aujourd’hui sonnent creux !

Hélas ! leurs descendants ne peuvent rien pour eux,
Car nous n’inventons rien qui les fasse renaître.
Quand je songe à ces morts, le moderne bien-être
Par leur injuste exil m’est rendu douloureux.

La tâche humaine est longue et sa fin décevante :
Des générations la dernière vivante
Seule aura sans tourment tous ses greniers comblés,

Et les premiers auteurs de la glèbe féconde
Ne verront pas courir sur la face du monde
Le sourire paisible et rassurant des blés.


(Extrait du même poème)



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J’ai bon cœur, je ne veux à nul être aucun mal,
Mais je retiens ma part des bœufs qu’un autre assomme,
Et, malgré ma douceur, je suis bien aise en somme
Que le fouet d’un cocher hâte un peu mon cheval.