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SULLY PRUDHOMME.


Une mélancolique et subtile senteur,
Pareille au souvenir qui monte avec lenteur,
L’arome du secret dans les cassettes closes,
Révèle l’âge ancien de ce mystique herbier ;
Il semble que les jours se parfument des choses,
Et qu’un passé d’amour ait l’odeur d’un sentier
Où le vent balaya des roses.

Et peut-être, dans l’air sombre et léger du soir,
Un cœur, comme une flamme, autour du vieux fermoir,
S’efforce, en palpitant, de se frayer passage ;
Et chaque soir peut-être il attend l’Angelus,
Dans l’espoir qu’une main viendra tourner la page
Et qu’il pourra savoir si rien ne reste plus
De la fleur qui fut son hommage.

Eh bien ! rassure-toi, chevalier qui partais
Pour combattre à Pavie et ne revins jamais ;
Ou page qui, tout bas, aimant comme on adore,
Fis un aveu d’amour d’un Ave Maria :
Cette fleur qui mourut sous des yeux que j’ignore,
Depuis les trois cents ans qu’elle repose là,
Où tu l’as mise elle est encore.

(Les Solitudes)



FLEURS DE SANG



Pendant que nous faisions la guerre,
Le soleil a fait le printemps :
Des fleurs s’élèvent où naguère
S’entre-tuaient les combattants.