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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Et la manière dont il comprend l’art implique une foi robuste, bien faite pour nous consoler des rêveries sans but.


Le beau reste dans l’art ce qu’il est dans la vie :
À défaut des vieillards, les jeunes le diront.


Nous nous trouvons en présence d’une rare élévation de pensées, et cependant le poète nous laisse de grandes inquiétudes de cœur et de raison, en troublant la surface des profonds abîmes qui restent encore à sonder.

En 1872, Sully Prudhomme publiait son deuxième volume, Les Solitudes, Les Épreuves, Croquis Italiens. Ici, non seulement l’auteur garde son titre sacré de poète, mais il devient en outre un merveilleux virtuose. Le doigté est précis et puissant. L’organiste parcourt en maître souverain toutes les notes de l’immense clavier.

Son poème : La Justice, nous apparaît comme l’effort d’un esprit supérieur, engagé dans le monde ingrat et froid de la métaphysique, où il perdrait souvent pied si d’un brusque mouvement d’ailes il ne remontait parfois à la surface pour aspirer quelques bouffées d’air libre.

Le Zénith nous montre, en quelques pages, la limite de ce que Sully Prudhomme a cherché dans La Justice. Le poète a trouvé là des strophes d’un élan superbe.

Pour résumer en quelques mots notre pensée, la muse grave et philosophique de Sully Prudhomme nous fait ressouvenir de l’antique Polymnie rêveuse, accoudée sur une haute roche dominant les mers d’Ionie, et qui, pour s’être attardée dans la contemplation des étoiles, ramène brusquement son peplum sur un sein frissonnant.

Les œuvres de Sully Prudhomme ont été publiées par A. Lemerre.

André Lemoyne.