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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


S’enfonce comme un coin dans toutes les mémoires.
Et toi, mon Alexandre, hélas ! quelles armoires
Dérobent tes chefs-d’œuvre à l’admiration
D’Asselineau chagrin ? Ô sombre question !
Tous les morts oubliés s’en viennent à la file
Réclamer leur soleil chez le bibliophile.
Et toi, brave homme, toi, couché tranquillement
Sous le gazon épais du bon pays normand,
Tu laisses en avril croître la violette
Et les frais liserons auprès de ton squelette,
Sans jamais demander si monsieur Taschereau
Prit soin de te coller au dos un numéro !
C’est trop de modestie, et je veux, Alexandre,
Moi qui suis ton pays, glorifier ta cendre
Sur ce mètre pompeux, de tous le souverain,
Et que nous te devons, le large alexandrin ;
Car ce vers souple et fier aux belles résonnances,
Où l’idée est à l’aise et prend les contenances
Qu’il lui plaît, ce grand vers majestueux et doux,
Et que Pierre Corneille, un autre de chez nous,
A fait vibrer si clair et si haut, c’est ton œuvre ;
OEuvre solide et bonne, et que nulle couleuvre
N’attaquera jamais sans y laisser ses dents !


Notre sol plantureux, qui pour tous les Adams
Fait mûrir au soleil la belle pomme ronde,
A l’heur incontesté de t’avoir mis au monde.
Sous les arbres touffus de Bouffey, tu grandis
Au milieu de forts gars, tous fiers, joyeux, hardis,
Robustes paysans dont la blouse rustique
Rappelle des Gaulois le vêtement antique,
Gens faits pour la charrue et faits pour la chanson !
Sifflant avec le merle, écoutant le pinson,