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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Les jours frileux et courts arrivent. C’est l’automne.
— Comme elle vibre en nous la cloche qui bourdonne ! —
L’automne, avec la pluie et les neiges, demain
Versera les regrets et l’ennui monotone ;
Le monotone ennui de vivre est en chemin !
Plus de joyeux appels sous les voûtes ombreuses ;
Plus d’hymnes à l’aurore, et de voix dans le soir
Peuplant l’air embaumé de chansons amoureuses !
Voici l’automne ! Adieu, le splendide encensoir
Des prés en fleurs fumant dans le chaud crépuscule.
Dans l’or du crépuscule, adieu, les yeux baissés,
Les couples chuchotants dont le cœur bat et brûle,
Qui vont, la joue en feu, les bras entrelacés,
Les bras entrelacés quand le soleil décline, —
— La cloche lentement tinte sur la colline.
Adieu, la ronde ardente, et les rires d’enfants,
Et les vierges, le long du sentier qui chemine,
Rêvant d’amour tout bas sous les cieux étouffants !
— Âme de l’homme, écoute en frémissant comme elle
L’âme immense du monde autour de toi frémir !
Ensemble frémissez d’une douleur jumelle.
Vois les pâles reflets des bois qui vont jaunir ;
Savoure leur tristesse et leurs senteurs dernières,
Les dernières senteurs de l’été disparu,
— Et le son de la cloche au milieu des chaumières ! —
L’été meurt ; son soupir glisse dans les lisières.
Sous le dôme éclairci des chênes a couru
Leur râle entrechoquant les ramures livides.
Elle est flétrie aussi ta riche floraison,
L’orgueil de ta jeunesse ! Et bien des nids sont vides,
Âme humaine, où chantaient dans ta jeune saison
Les désirs gazouillants de tes aurores brèves.
Âme crédule ! Écoute en toi frémir encor,
Avec ces tintements douloureux et sans trêves,