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LECONTE DE LISLE.

Il érige son cou musculeux et pelé,
Il s’enlève en fouettant l’âpre neige des Andes,
Dans un cri rauque il monte où n’atteint pas le vent,
Et, loin du globe noir, loin de l’astre vivant,
Il dort dans l’air glacé, les ailes toutes grandes.


(Poèmes barbares)


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UN COUCHER DE SOLEIL




Sur la côte d’un beau pays,
Par delà les flots pacifiques,
Deux hauts palmiers épanouis
Bercent leurs palmes magnifiques.

À leur ombre, tel qu’un Nabab
Qui, vers midi, rêve et repose,
Dort un grand tigre du Pendj-Ab,
Allongé sur le sable rose ;

Et, le long des fûts lumineux,
Comme au paradis des genèses,
Deux serpents enroulent leurs nœuds
Dans une spirale de braises.

Auprès, un golfe de satin,
Où le feuillage se reflète,
Baigne un vieux palais byzantin
De brique rouge et violette.

Puis, des cygnes noirs, par milliers,
L’aile ouverte au vent qui s’y joue,
Ourlent, au bas des escaliers,
L’eau diaphane avec leur proue.