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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


COLLINES TOSCANES



Depuis qu’aux belles mains des saisons alternées
La terre aux flancs profonds, sans compter les années.
Abandonne et reprend son manteau de soleil,
Quand le jeune printemps ranime les verveines,
Combien d’hommes, combien, sur ces pentes sereines,
Sont venus avant moi saluer ce réveil ?

Là-bas, combien ont vu, tels qu’on les voit encore,
Comme un bouquet de lis qu’effeuille un vent d’aurore,
Pleuvoir les pigeons blancs sur la brique des toits,
Et, sur la vasque bleue où tremblent des coquilles,
Pêle-mêle, grimper des enfants en guenilles,
Avec un rire frais qui monte vers les bois ?

Vieux oliviers, nourris de paix et de lumière,
Avez-vous, dites-moi, d’une ombre familière
Enveloppé Byron courbé sous sa douleur,
Et, dans cette âme altière et malgré soi charmée,
Aux murmures discrets de la fine ramée,
Réveillé ce qu’un autre eût nommé le bonheur ?

À cet azur vibrant qui tuait sa prunelle
Milton jeune, en passant, déroba l’étincelle
Dont s’alluma, plus tard, l’aurore de l’Éden ;
Sous ces pommiers, déjà, l’entraînant, blanche et nue,
La curieuse Héva, de sa main ingénue,
Cueillait, en les nommant, tous les fruits du jardin.