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ARMAND RENAUD.


Près d’elle, un enfant, tête blonde,
A déjà le crâne scié,
Condamné qu’attendait le monde,
Et qui soudain fut gracié.

Plus loin, c’est un vieux et sa vieille
Usés par le labeur brutal,
Après l’existence pareille
Ayant eu le même hôpital.

C’est un homme à chaude cervelle,
Étouffé par la pauvreté ;
Un chercheur de terre nouvelle,
Dans les vagues précipité.

C’est un balayeur, dans la rue,
Sur lequel l’omnibus versa ;
Autour de lui la foule accrue
Fit un moment cercle, et passa.

Ô pauvres gens, je vous respecte,
Cadavres comptés pour zéro,
Vous qu’on mutile et qu’on injecte,
Puis qu’on emporte en tombereau.

Après les longs jours de fatigue,
Après le froid, après la faim,
La terre, envers vous peu prodigue,
Vous donna l’hôpital pour fin.

Vous avez fait tourner la roue
De la machine humanité ;
Votre place fut à la proue
De notre vaisseau ballotté.