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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Peut-être, pour l’avoir en un lointain voyage
Sous des orangers d’or recueillie autrefois,
Redit-elle à jamais, dans un divin langage,
Une chanson d’amour entendue une fois !

Et les champs de genêts, les steppes de bruyères,
La neige et les brouillards du ciel norwégien
Peut-être font-ils place aux roses étrangères,
Aux cieux ensoleillés dont elle se souvient !







LE SOMMEIL





Ô caresse d’oubli sur nos rudes journées,
Doux voile de silence étendu sur nos cœurs,
Salut, heures de paix que Dieu nous a données,
Salut, sommeil sacré qui suspends nos douleurs !

Salut, sommeil béni, distributeur de songes,
Qui rouvres le palais des jeunes visions,
Et qui mêles si bien vérités et mensonges
Que nous voguons en plein dans nos illusions !

C’est toi qui rends possible et soumise la vie !
Tu n’es pas seulement le repos souhaité,
La trêve dans la lutte à jamais poursuivie,
Une halte sereine, une immobilité ;

Tu n’es pas seulement le généreux oracle
Qui sur la comédie ou sur le drame humain
Vient tirer le rideau, refermer le spectacle,
Et dire : « Ôtez le masque, enfants, jusqu’à demain ! »