Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
ANDRÉ THEURIET.


Il me semble qu’alors, écoliers nonchalants,
Couchés comme aujourd’hui sur les mousses fleuries,
Nous suivons à travers les grands nuages blancs
Le vol des claires sonneries ;

Ou bien, nous cheminons ensemble, aux Fêtes-Dieu,
Par les sentiers jonchés d’herbes que le pied froisse,
Tandis que tout là-haut bourdonnent dans l’air bleu
Les carillons de la paroisse.

L’amour adolescent, frais comme un reposoir,
Vague comme un parfum d’encens qui s’évapore,
Ou comme les soupirs de l’Angelus du soir,
L’amour en nos cœurs vient d’éclore…

Ô mirage produit par ce pur timbre d’or,
Charme du rythme lent, berceur et monotone !
C’est ce magique amour qui nous enchaîne encor
Dans les bois qu’embaume l’automne.

C’est lui qui fait tourner comme vers un aimant
Mes désirs vers tes yeux pleins de moites caresses,
Et qui soumet mon cœur au fier commandement
De tes lèvres enchanteresses.

Ah ! qu’il plane longtemps sur nous, le jeune dieu !
Qu’il nous suive partout, au soleil et dans l’ombre,
L’été parmi les bois, l’hiver au coin du feu,
Partout, durant des jours sans nombre !

Qu’il joigne encor nos mains et rapproche nos fronts,
Quand au fond du tombeau, comme sur ces bruyères,
Côte à côte étendus, nous nous endormirons
Au chant des cloches mortuaires ;