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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Mets ton front près du mien, pose ton corps lassé
Sur mon bras amoureux qui l’étreint comme un lierre,
Et restons dans cette ombre où septembre a dressé
Pour nous ses tapis de bruyère.

Demeurons-y blottis ensemble, ô chère enfant,
Comme au fond de leur nid obscur deux hirondelles,
Ou dans la coque verte et blanche qui se fend
Deux brunes châtaignes jumelles.

Les yeux mi-clos, les mains dans les mains, sous les bois,
Savourons le lait pur des voluptés sereines,
Tandis qu’un vent léger nous apporte les voix
Berceuses des cloches lointaines.

Les sons clairs tout remplis d’endormantes douceurs
Se fondent mollement dans notre extase… Écoute !
On dirait que leur chant limpide dans nos cœurs
Filtre avec l’amour, goutte à goutte.

Je ne sais quoi de chaste et de plus amical
Pénètre en nous avec ces notes argentines,
Leur musique nous rend le charme virginal
Des blondes saisons enfantines ;

Des saisons d’autrefois, sous le toit familier
Où grimpent des jasmins et des aristoloches,
Quand on est réveillé dans son lit d’écolier
Par les voix sonores des cloches.

Vers ce passé brumeux je me crois revenu..
En écoutant vibrer ces voix aériennes,
Je crois depuis l’enfance avoir toujours tenu
Tes petites mains dans les miennes.