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FRANCIS PITTIÉ.


Sous l’effort musical du flot harmonieux,
Une barque effilée et svelte se balance ;
Les plaintifs elkovans, blancs sur l’azur des cieux,
Dans l’Éther chaud et pur se bercent en silence.

Des légers tamaris trouant le parasol,
Les obliques rayons du soleil qui décline
Allument, dans le chaud ensablement du sol,
Comme un reflet d’agathe ou de nacre opaline.

Tout est recueillement, oubli, sommeil et paix.
Témoin muet et sourd des luttes de la vie,
Seul, sous l’amas fleuri des lambrusques épais,
Un portail mi-fermé m’attire et me convie.

Qui sait ? et quels périls m’attendent au delà ?
Franchirai-je l’étroite et menaçante porte ?
Des écueils de Charybde aux récifs de Scylla
Mon âme tour à tour flotte, débile ou forte.

J’hésite. Aux bords divins du rivage enchanté,
Une chaîne de fleurs me rattache et me lie ;
L’appel de la bataille et de la liberté
Emplit mon cœur fougueux de son âpre folie.

Mais l’appel belliqueux l’emporte, hélas ! Ô toi,
Mon espoir, mon amour, mon flambeau, mon étoile,
Sois le vivant soleil qui marche devant moi
Et le phare immortel qui sauvera ma voile !

(À travers la Vie)