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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

grave. Ici nous feuilletons avec un respect quasi religieux une belle série d’eaux-fortes vigoureusement mordues : Les Martyrs, Le Chemin du Calvaire, Les Tyrans, Brumes de janvier, où la satire fait parfois siffler son fouet à gros nœuds et nous ramène à l’âpreté de Juvénal. Dans ce volume certaines pages ont un accent de fier patriotisme à réveiller les cœurs des plus endormis, à côté de strophes d’une grâce spirituelle et toute charmante, telles que La Fleur de l’Amour, Départ pour la vie, À Mademoiselle Marguerite, Le Pays des Chimères. On reconnait assurément que l’auteur n’est pas un simple dilettante ; on retrouve à chaque instant l’homme dans son œuvre : un vrai militant qui dans les rudes épreuves de la vie, et tout en restant dans le plein cours de nos idées modernes, a su garder la foi, l’espérance et la charité, et dont les plus beaux souvenirs en terre de France sont encore deux noms héroïques et purs : Jeanne d’Arc et Marceau.

Les œuvres de Francis Pittié ont été publiées en partie par Fischbacher et par A. Lemerre.

André Lemoyne.



LE FLEUVE

sonnet


À M. Jules Grévy




Sous les puissants rayons du soleil matinal,
Élégant et fleuri dans sa parure neuve,
Ton toit, connu du pauvre et hanté par la veuve,
A le lointain éclat d’un phare ou d’un fanal.

C’est là que, dominant le tumulte banal
Dont la foule imbécile ou grossière s’abreuve,
Majestueusement s’écoule, comme un fleuve,
Le cours profond et pur de ton âge automnal.