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LE VOYAGEUR




Lâme la plus heureuse a sa part de souffrance,
Le plus joyeux esprit a son trouble secret ;
Le souvenir fléchit sous le poids du regret
Et la crainte envahit jusques à l’espérance.

Le hasard ennemi, qui nous frappe en silence,
Tranche les nœuds bénis de son dur couperet ;
L’aveugle et sourd destin, par un aveugle arrêt,
Livre l’amant fidèle au vautour de l’absence.

Voilà qu’un vent jaloux, soufflant sur mon esquif,
M’entraîne soucieux, solitaire et pensif,
Au gré des flots mouvants, dans un lointain parage.

Ô vous qui demeurez, pensez au voyageur !
Et faites, par pitié, mentir le vieil adage
Qui dit si tristement : Loin des yeux, loin du cœur.