Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


UN FLEUVE À LA MER



Quand un grand fleuve a fait trois ou quatre cents lieues
Et longtemps promené ses eaux vertes ou bleues
Sous le ciel refroidi de l’ancien continent,
C’est un voyageur las, qui va d’un flot traînant.

Il n’a pas vu la mer, mais il l’a pressentie.

Par de lointains reflux sa marche est ralentie ;

Le désert, le silence accompagnent ses bords.
Adieu les arbres verts. — Les tristes fleurs des landes,
Bouquets de romarins et touffes de lavandes,
Lui versent les parfums qu’on répand sur les morts.

Le seul oiseau qui plane au fond du paysage,
C’est le goéland gris, c’est l’éternel présage
Apparaissant le soir qu’un fleuve doit mourir,
Quand le grand inconnu devant lui va s’ouvrir.