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JOSÉPHIN SOULARY.


Un jour d’été, — quel souvenir ! —
Nous traversions tous deux la plaine,
Arrachant des fleurs à main pleine ;
Tu boudais ; et, pour te punir,

Je semai sur ta tête aimée
Toute une gerbe parfumée.
Il faisait si chaud, — souviens-toi ! —

Que, dans cette pluie étoilée,
Une fleurette d’aimez-moi
Sur ton front demeura collée.


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LA LAITIÈRE




La Jeanne, ma laitière, est une fille accorte ;
Dans sa lèvre jamais le rire n’est tari ;
Son œil est grand ouvert, son corset dru nourri,
Le contour a crevé l’étoffe, mais qu’importe ?

Je crois voir, le matin, lorsqu’elle ouvre ma porte,
Comme un tableau flamand de lumière pétri,
Tant les vertes senteurs du pacage fleuri
Circulent sur ses pas dans l’air frais qu’elle apporte.

Sa marche est un essor, sa voix une chanson.
Elle donne son cœur tout d’un trait, sans façon,
Comme un bouquet naïf aux rustiques mélanges.

Jeanne est ce fruit des bois, plein d’un suc abondant,
Dont les âpres tissus font jaillir sous la dent
Des parfums inconnus et des saveurs étranges.


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