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ANAÏS SÉGALAS.

 
Le sou classique est humble et sans prétention
            Noir, vieux sans parure empruntée ;
Mais on vient d’en tirer une autre édition
            Revue… et non pas augmentée.

La jeunesse est volage, elle aime à voyager ;
            Tout l’attire, rien ne l’effraye ;
Pars donc ! va parcourir, vagabond et léger,
            La poche, le porte-monnaie,

La bourse de l’avare, où sonnent les écus,
            Celle du prodigue, où, je gage,
Tu te verras parfois seul, comme Marius
            Sur les ruines de Carthage !

Mais dans la main du pauvre arrive sans retard,
Et ne va pas manquer au petit Savoyard,
Au chanteur de la rue, oiseau sans nid peut-être,
Rossignol enroué, dont le sort est cruel :
Si la manne aujourd’hui ne tombe plus du ciel,
Qu’au moins le petit sou tombe de la fenêtre.

Sois le prix du travail. Dans ce grenier vois-tu
Cette active ouvrière ? Elle est jeune, elle est belle :
Satan lui proposa diamants et dentelle,
Mais, l’aiguille à la main, elle l’a combattu.
C’est pour te conquérir qu’elle veille et travaille ;
L’honnête petit sou semble être la médaille
Que, dans notre Paris, on frappe à la vertu.
Ami de l’ouvrière, à qui tu viens sourire,
Habitant des greniers et de la tirelire,
Jamais du coffre-fort tu n’auras les splendeurs :
C’est le palais où vit la pièce d’or altière ;