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ALFRED DES ESSARTS.



SONNETS

I

à un inconnu




Tu croyais échapper à ton obscurité,
Mais, ayant succombé sous l’affront du silence,
Tu contiens mal ton cœur justement irrité ;
Ta fierté veut se taire, et ta plainte s’élance.

L’ombre est bonne pourtant. L’austère Vérité
Du tumulte mondain réprouve l’insolence.
Reste seul. C’est montrer plus de virilité
Que de laisser ta main s’armer de violence.

Oui, seul et recueilli, croyant de bonne foi
Qu’une amitié suffit, généreuse et fidèle,
Sans qu’il faille traîner partout autour de soi

D’ineptes louangeurs la bruyante séquelle,
Tu seras bien plus grand s’il n’existe pour toi
Qu’un regard qui te cherche, une voix qui t’appelle.


______



II

se survivre




Lhomme a peur du tombeau, mais bien plus de l’oubli.
Il craint, du poids des ans quand la mort le délivre,
Qu’avec le corps son nom ne soit enseveli.
Jusque dans le néant il voudrait se survivre.