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XAVIER MARMIER.


Étrange est cet aspect, splendides sont ces lieux
Où les Américains ardents, industrieux,
Portent de tous côtés leur fructueuse audace,
Abattant les forêts, défrichant le terrain,
Domptant le cours des eaux et lançant à grand train
Leurs bateaux à vapeur, leurs railways dans l’espace.

Oui, l’on se plaît à voir la fière humanité
Créer cet autre empire à son activité ;
Mais cet empire, ami, ce n’est pas notre France,
La France, cher pays, le plus beau, le meilleur,
Que l’on ne quitte point sans y laisser son cœur
Avec ses souvenirs, avec ses espérances.

Reste, reste au foyer où fleurit ton bonheur,
Où les dieux t’ont donné, dans leur rare faveur,
Les biens de la fortune et les trésors de l’âme,
Le domaine natal qui sourit aux regards,
L’intelligent travail, l’amour des vers, des arts,
Et la vie à passer près d’une noble femme.

Oh ! reste et plains celui qu’un inquiet besoin,
La soif de l’inconnu, portent toujours plus loin.
Qui sait combien de fois sur la terre fleurie
Dont il avait rêvé d’avance la splendeur,
Assis au bord des flots, solitaire, rêveur,
Il murmure en pleurant le nom de sa patrie ?


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