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ALFRED DE MUSSET.

La Fontaine, le pur filon d’or de la Renaissance, avant que le grand siècle, au rayon glacial d’un faux soleil, sous l’étrange prétexte de clarifier notre poésie indigène, l’eût appauvrie et canalisée en droite ligne, avec chemin de halage, sans herbes, mais sans fleurs, grâce aux sarclages multipliés du gentilhomme Malherbe et de Monsieur Despréaux.

Les œuvres complètes d’Alfred de Musset se trouvent chez Charpentier et chez Alphonse Lemerre, éditeurs.

A. L.
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LA NUIT DE MAI


LA MUSE.



Poète, prends ton luth, et me donne un baiser !
La fleur de l’églantier sent ses bourgeons éclore.
Le printemps naît ce soir, les vents vont s’embraser,
Et la bergeronnette, en attendant l’aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser !


LE POÈTE.


Comme il fait noir dans la vallée !
J’ai cru qu’une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
Son pied rasait l’herbe fleurie.
C’est une étrange rêverie !
Elle s’efface et disparaît.