Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
SAINTE-BEUVE.



À RONSARD




À toi, Ronsard, à toi, qu’un sort injurieux
Depuis deux siècles livre aux mépris de l’histoire,
J’élève de mes mains l’autel expiatoire
Qui te purifiera d’un arrêt odieux.

Non que j’espère encore au trône radieux,
D’où jadis tu régnais, replacer ta mémoire,
Tu ne peux de si bas remonter à la gloire :
Vulcain impunément ne tomba point des cieux.

Mais qu’un peu de pitié console enfin tes mânes ;
Que, déchiré longtemps par des rires profanes,
Ton nom, d’abord fameux, recouvre un peu d’honneur ;

Qu’on dise : « Il osa trop, mais l’audace était belle ;
Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle,
Et de moins grands, depuis, eurent plus de bonheur. »


______



L’ART ET LE BONHEUR




Jai fait le tour des choses de la vie ;
J’ai bien erré dans le monde de l’art ;
Cherchant le beau, j’ai poussé le hasard :
Dans mes efforts la grâce s’est enfuie.

À bien des cœurs où la joie est ravie
J’ai demandé du bonheur, mais trop tard !
À maint orage, éclos sous un regard,
J’ai dit : « Renais, ô flamme évanouie ! »