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ANTONl DESCHAMPS.


Il respire pourtant, disent entre eux les hommes,
Et, debout comme nous sur la terre où nous sommes,
Nous survivra peut-être encor plus d’un hiver !

Oui, comme le polype aux poissons de la mer,
Ou comme la statue, en sa pierre immortelle,
Survit à ceux de chair qui passent devant elle !



II



La vie avance et fuit, sans ralentir le pas,
Et la mort vient derrière à si grandes journées,
Que les heures de paix qui me furent données
Me paraissent un rêve et comme n’étant pas.

Je m’en vais mesurant d’un sévère compas
Mon sinistre avenir, et vois mes destinées
De tant de maux divers encore environnées,
Que je veux me donner de moi-même au trépas ;

Si mon malheureux sort eut jadis quelque joie,
Triste, je m’en souviens ; et puis, tremblante proie,
Devant, je vois la mer qui va me recevoir !

Je vois ma nef sans mât, sans antenne et sans voiles,
Mon nocher fatigué, le ciel livide et noir,
Et les beaux yeux éteints, qui me servaient d’étoiles.


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