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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Et Rome se repose, et la paix des tombeaux
Succède au bruit des chars, à l’éclat des flambeaux.
Et puis le lendemain, sortant de leurs cellules,
Et les bruns franciscains, et les blancs camaldules,
S’emparent de la ville, et leurs yeux pénitents
Disent qu’il faut enfin commencer le saint temps.

Ils marchent en silence, et la pierre des dalles
Retentit longuement sous leurs larges sandales,
Qui foulent dans ces lieux, la veille profanés,
Et des flambeaux éteints et des bouquets fanés.
Ainsi l’âme s’endort quand sa fête est finie,
Et soucis, et chagrins, à la face jaunie,
Reviennent la fouler dans les sentiers humains,
Comme les pieds pesants de ces moines romains.


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SONNETS


I




Depuis longtemps je vis entre deux ennemis,
L’un s’appelle la Mort et l’autre la Folie ;
Lun m’a pris ma raison, l’autre prendra ma vie…
Et moi, sans murmurer, je suis calme et soumis !

Cependant, quand je songe à tous mes chers amis,
Quand je vois, à trente ans, ma pauvre âme flétrie,
Comme un torrent d’été ma jeunesse tarie,
J’entrouvre mon linceul, et sur moi je gémis.