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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Dans ta taille dolente et mollemont couchée,
Et dans ton pur sourire amoureux et souffrant ?

Vivez, froide Nature, et revivez sans cesse
Sur nos pieds, sur nos fronts, puisque c’est votre loi ;
Vivez, et dédaignez, si vous êtes déesse,
L’homme, humble passager, qui dut vous être un roi ;
Plus que tout votre règne et que ses splendeurs vaines,
j’aime la majesté des souffrances humaines ;
Vous ne recevrez pas un cri d’amour de moi.

Mais toi, ne veux-tu pas, voyageuse indolente,
Rêver sur mon épaule en y posant ton front ?
Viens du paisible seuil de la maison roulante
Voir ceux qui sont passés et ceux qui passeront !
Tous les tableaux humains qu’un Esprit pur m’apporte
S’animeront pour toi quand devant notre porte
Les grands pays muets longuement s’étendront.

Nous marcherons ainsi, ne laissant que notre ombre
Sur cette terre ingrate où les morts ont passé ;
Nous nous parlerons d’eux à l’heure où tout est sombre,
Où tu te plais à suivre un chemin effacé,
À rêver, appuyée aux branches incertaines,
Pleurant, comme Diane au bord de ses fontaines,
Ton amour taciturne et toujours menacé.


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STANCES




Tu demandes pour qui, sous leurs plumes nouvelles,
Ces vers, oiseaux naissants, volaient, chantaient en chœur ?