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BARTHÉLEMY ET MÉRY.

Moi, j’aurai bu cent fois l’amère calomnie,
Sans que ma lèvre même en garde un souvenir,
Car je sais que le temps est fidèle au génie,
           Et mon cœur croit à l’avenir !


______


RÉPONSE DE BARTHÉLEMY




Tu ne me connais pas : de colère saisie,
Ta Muse juge mal un frère en poésie ;
Tu sais mesurer l’âme à ton brillant compas ;
Oui, mais le cœur humain, tu ne le connais pas.
À l’emblème infernal que ce fronton indique,
En entendant rugir mon vers périodique
Qui, pareil au reflux que le ciel fait mouvoir,
Vient miner, en grinçant, le rocher du Pouvoir,
Au retentissement de mes sauvages rimes.
Tu crois que, me jouant des vertus et des crimes,
Ennemi de tout nom par sa gloire abrité,
Je marche, en Érostrate à la célébrité,
Et, sans que ma justice un instant délibère,
Sur l’honneur désarmé je me rue en Cerbère ;
Tu crois que vil forban, sans patrie et sans port,
J’ai cloué sur mes mâts une tête de mort ;
Que pareil au Malais des îles de la Sonde,
Criant Amock, courbant ma tête vagabonde,
Gorgé de l’opium qui fascine mes sens,
De mon double poignard j’éventre les passants.
Va ! ton luth cette fois a vibré de colère ;
Avant d’incriminer ma Muse populaire,
D’infliger à mon nom d’injurieux délits,
Médite mieux sur moi, prends cette feuille, et lis !