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LAMARTINE.


À ce chœur joyeux de la route
Qui commençait à tant de voix,
Chaque fois que l’oreille écoute,
Une voix manque chaque fois.

Chaque jour l’hymne recommence,
Plus faible et plus triste à noter :
Hélas ! c’est qu’à chaque distance
Un cœur cesse de palpiter.

Ainsi dans la forêt voisine,
Où nous allions, près de l’enclos,
Des cris d’une voix enfantine
Éveiller des milliers d’échos.

Si l’homme, jaloux de leur cime,
Met la cognée au pied des troncs,
À chaque chêne qu’il décime
Une voix tombe avec leurs fronts.

Il en reste un ou deux encore :
Nous retournons au bord du bois
Savoir si le débris sonore
Multiplie encor notre voix.

L’écho, décimé d’arbre en arbre,
Nous jette à peine un dernier cri,
Le bûcheron au cœur de marbre
L’abat dans son dernier abri.

Adieu les voix de notre enfance !
Adieu l’ombre de nos beaux jours !
La vie est un morne silence
Où le cœur appelle toujours !


(Recueillements poétiques)


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