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LAMARTINE.


Son âme nuageuse et sombre,
Trop haute pour ce vil séjour,
Laissant tout le reste dans l’ombre,
Du ciel seul recevait le jour !

Il aimait leurs mornes ténèbres
Et leur muet recueillement,
Et du pin, dans leurs nuits funèbres,
L’âpre et sourd retentissement.

Il goûtait les soirs gris d’automne,
Les brouillards du vent balayés,
Et le peuplier monotone
Pleuvant feuille à feuille à ses pieds.

Des lacs déserts de sa patrie
Son pas distrait cherchait les bords,
Et sa plaintive rêverie
Trouvait sa voix dans leurs accords.

Puis, comme le flot du rivage
Reprend ce qu’il avait roulé,
Son dédain effaçait la page
Où son génie avait coulé.

Toujours errant et solitaire,
Voyant tout à travers la mort,
De son pied il frappait la terre
Comme on pousse du pied le bord.

Et la terre a semblé l’entendre.
Ô mon Dieu ! lasse avant le soir,
Reçois cette âme triste et tendre :
Elle a tant désiré s’asseoir !