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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

aussi nouvelle pour le fond que pour la forme, où l’amour, la religion, la foi, la charité, l’esprit ancien et l’esprit nouveau sont exprimés dans un style poétiquement naturel, trouvé d’inspiration par le plus facile et le plus harmonieux des génies. Puis viennent, dans les Révolutions, dans Utopie, les grands développements d’idées modernes qu’anime un puissant souffle lyrique : puis, dans La Chute d’un Ange, fragment cyclopéen d’une épopée gigantesque restée à l’état de projet, un essai de résurrection de poésie primitive par un voyageur inspiré du génie de l’Orient.

« Le caractère particulier de la poésie de Lamartine, c’est la spontanéité. Tout y naît sans effort et comme par un instinct divin ; tout y coule de source, l’idée et la forme, le sentiment et l’harmonie ; tout y est ailé, léger, rapide ; l’oiseau s’envole en chantant du nid, il monte en planant, il dort sur le vent, comme Lamartine l’a dit de l’aigle. Lamartine poète ne réfléchit pas, il chante : s’il compose, c’est à son insu, par instinct poétique, non par aucun artifice littéraire : son art, c’est sa nature ; s’il pense, c’est son génie qui pense en lui, c’est le mens divinior qui lui souffle des idées et des images, et qui les lui fait répandre en abondance, comme le pommier répand au printemps ses fleurs pour se décharger en effeuillant sa couronne. Cette spontanéité de la muse primitive, unie, dans une nature héroïque et harmonieuse, à une riche culture et à toutes les idées de la civilisation la plus avancée, est un phénomène curieux à notre époque, et l’un des spectacles les plus intéressants qu’elle pût donner. »

L. de Ronchaud.
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LE LAC



Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
                     Jeter l’ancre un seul jour ?