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SECONDE PARTIE


Contenant diverses remarques sur ce qu’on a observé dans
cette Traduction.


Lorsque ceux qui ont fait cette Traduction commencèrent à s’y appliquer entièrement, ils trouvèrent d’abord une difficulté presque insurmontable dans la manière dont elle devoit estre faite. Ils sçavoient d’une part, que la parole de Dieu est semblable à Dieu même ; qu’elle est toute pleine de sagesse, de mystères & de sens, & qu’on ne la doit pas mesurer, comme dit Saint Grégoire, par la petitesse de nostre esprit qui n’y découvre que ce qu’il est capable de comprendre ; mais par l’étenduë de l’Esprit de Dieu qui n’a point de bornes. Et ils concluoient de cette vérité, que dans la traduction de l’Ecriture sainte il ne suffisoit pas de suivre cette règle que Saint Jérôme a établie pour la traduction des ouvrages des SS. Pères, qui est de rendre sens pour sens ; mais qu’il falloit en conserver même les expressions, en marquer les propres mots, & en représenter autant qu’il estoit possible la force, l’étenduë, l’ordre, la structure & les liaisons.

Mais ils consideroient aussy d’autre part, qu’en s’attachant de cette sorte à la lettre, le sens en estoit quelquefois tellement étouffé qu’il paroissoit inintelligible, & que pour vouloir donner un sens indeterminé & suspendu, on laissoit souvent les lecteurs vuides de tout sens & de toute intelligence ; qu’on rabaissoit infiniment par cette manière la majesté de l’Escriture, en ne gardant rien de cet air vénérable & tout divin qu’elle a dans les langues originales, le génie de la nostre estant entièrement différent de celuy de la Grecque & de la Latine, &