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sentiment humain. Il torture sa femme. Ce peintre qui, le pinceau à la main, est hanté de l’image de la chair, renonce à celle de Christine, ce qui est assez peu croyable. Il est mauvais mari. Il est mauvais père. Il a des brutalités atroces. « Ah ! ma chère, dit-il à Christine, tu n’es plus comme là-bas, quai de Bourbon. Ah ! mais, plus du tout !… C’est drôle, tu as eu la poitrine mûre de bonne heure… Non, décidément, je ne puis rien faire avec ça… Ah ! vois-tu, quand on veut poser, il ne faut pas avoir d’enfants. » — Son enfant mort, il n’a rien de plus pressé que de faire le portrait du pauvre petit hydrocéphale, ce qui est bien, et de le présenter au Salon, ce qui est mieux. Claude Lantier est à ce point le Raté, l’Impuissant, le Possédé, le Pas-de-Chance, qu’il en devient monstrueux et que nous sommes enchantés de voir se pendre enfin cet Arpin-Prométhée de la peinture impressionniste. — De même, pour que Christine soit bien complètement la victime de cette victime, pour quelle ne puisse avoir aucun refuge dans sa souffrance, elle sera mauvaise mère, elle ne sera qu’amante, et sa douleur essentielle sera d’être frustrée des embrassements de Claude.

Voyez-vous maintenant pourquoi M. Zola a fait de son héros un peintre ? C’est sans doute que la peinture l’a toujours intéressé et que les théories, les vues, les pressentiments des peintres du « plein air » valaient la peine d’être exprimés dans un roman. Mais c’est surtout que le métier de son héros per-