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Il n’est pas d’écrivain qui ait paru plus ondoyant et plus insaisissable, à qui l’on ait prêté plus de dessous et de tréfonds, de plus inextricables ironies et des fantaisies plus diaboliques. J’ai donné moi-même dans ce travers de croire que M. Renan manquait tout à fait de naïveté. J’en fais bien mon mea culpa. Je crois à présent que le meilleur moyen de comprendre M. Renan, c’est de lire d’une âme confiante ce qu’il écrit et de n’y point chercher plus de malice qu’il n’en a mis. Si M. Renan nous semble si compliqué, c’est que, les éléments dont se compose son génie total étant nombreux, divers et quelquefois contradictoires, il les laisse transparaître dans son oeuvre avec une parfaite sincérité. En d’autres termes, s’il paraît si peu candide, c’est à force de candeur.

Ainsi s’explique tout ce qui, dans ses livres, nous étonne et nous met en défiance, même en nous séduisant. — Après avoir affirmé quelque grande vérité morale, insinue-t-il que le contraire serait possible, que cette affirmation n’est en somme qu’une espérance ? C’est qu’il a cru, autrefois, d’une foi entière et absolue à des dogmes dont il s’est détaché depuis, et que cette aventure l’a rendu prudent. — Au milieu d’une effusion mystique et lyrique, s’arrête-t-il tout à coup pour nous jeter quelque impitoyable réflexion sur le train brutal et fatal des choses humaines ? C’est qu’il les connaît pour les avoir étudiées dans le passé et dans le présent et que, s’il est poète, il est historien. — Ou bien parmi de magnifi-