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de la réalité des choses, où nulle action, ne se poursuit isolément, où toutes s’enchevêtrent. Je n’ai voulu que constater ce retour de M. Alphonse Daudet aux procédés de Nabab, après l’effort de l’Évangéliste et de Sapho vers la classique unité d’action.

Troisièmement : même absence de liaison apparente dans le style que dans les caractères et dans la composition du livre. Pas une phrase pleine, ronde, de tour oratoire ou didactique. C’est une dislocation ou, pour mieux dire, un émiettement, un poudroiement. Jamais on n’a fait un si prodigieux usage de toutes les « figures de grammaire » abréviatives, de l’anacoluthe, de l’ellipse et de ce qu’on appellerait, s’il s’agissait de latin, l’ablatif absolu. Des notations brèves, rapides, saccadées, toc-toc, comme autant de secousses électriques. Pas un poncif ; une attention scrupuleuse, maladive, à traduire la sensation immédiate des objets par le moins de mots possibles et par les mots ou les concours de mots les plus expressifs. C’est une continuelle invention de style, si audacieuse, si frémissante et si sûre que, les meilleures pages de Goncourt mises à part, on n’en a peut-être pas vu de pareilles depuis Saint-Simon. Astier-Réhu oserait dire que c’est une perpétuelle hypotypose.

J’ouvre au hasard (et je vous assure que ce n’est point ici une formule) :

« Pour midi, la messe noire (essayez de dire la chose en moins de mots ; et encore il y a une image ! )