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les et de Vrain-Lucas. Mais le maniaque Émile Chasles était un mathématicien qu’aucune étude antérieure n’avait pu prémunir contre les mystifications dont il fut victime. Le cas d’Astier-Réhu n’est point le même. Astier-Réhu a été professeur d’histoire ; il est, je suppose, agrégé d’histoire et docteur ès lettres pour une thèse historique. Cela veut dire qu’il sait son métier. Quoiqu’il ne soit qu’un imbécile, il connaît certainement les méthodes de vérification des manuscrits ; il n’est point nécessaire d’être un aigle pour les savoir et les appliquer… L’Académie peut bien faire encadrer l’autographe de Rotrou, parce qu’elle n’y regarde pas de très près, parce qu’elle est un corps et que les corps sont toujours bêtes. Mais Astier-Réhu, si simple qu’il soit, ne peut être à ce point la dupe de Fage. D’ailleurs, il a publié des livres d’histoire qui ont été lus, jugés, épluchés par les rédacteurs de la Revue historique, de la Revue critique et du Journal des savants, et ni M. Gabriel Monod, ni M. Fustel de Coulanges, ni M. Paul Meyer, ni M. Ernest Lavisse, ni M. Sorel, ni M. Guiraud ne se seraient laissés prendre aux pièces fabriquées par l’astucieux bossu. L’aventure d’Astier-Réhu me paraît tout bonnement impossible. M. Daudet, parti d’un fait vrai, l’a rendu totalement invraisemblable et faux parce qu’il en a changé toutes les conditions. Il est fâcheux que le principal épisode de son roman repose sur cette impossibilité radicale.