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quité Il faut que vous soyez, Monsieur, tout à fait dénué du sens de l’histoire, c’est-à-dire de la faculté de trouver bon ce qui est vieux, pour insulter l’Académie ! » Eh ! la royauté aussi, et les parlements, et les corporations, et la noblesse étaient vénérables par leur grand âge ! Ne dites pas non plus : « L’Académie maintient le goût. » Quel goût ? Le sien apparemment. Mais peut-elle en avoir un, alors que ses membres en ont nécessairement plusieurs ? Et de quel droit, à quel titre définirait-elle « le goût » ? Je crois volontiers à la compétence de tel ou tel académicien : je ne puis croire à celle de l’Académie. Au reste, je crois surtout à la mienne ; et, comme je sens qu’elle ne vaut que pour moi, je tire de là des conséquences. Ne dites pas davantage que l’Académie conserve une tradition de décence et de politesse. Nous savons fort bien être décents et polis sans elle, quand on ne nous met pas en colère. Enfin, je vois que quatre ou cinq des plus grands génies littéraires de ce siècle, sans compter une douzaine de talents supérieurs, ont été repoussés ou oubliés par l’Académie. Quoi qu’on dise, cela est grave et cela me la gâte. Et j’avais tort de prétendre tout à l’heure qu’elle ne peut avoir un goût collectif et qui soit le goût académique. Seulement, ce goût ne saurait être qu’un goût moyen, entendez un goût médiocre. Et ce goût moyen, ce goût bourgeois et lâche, qui n’est peut-être pas celui de tous les académiciens, mais qui est celui de l’Académie, s’impose plus ou moins à