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ni des invalides. Il est, d’ailleurs, personnellement ami de plusieurs d’entre eux. Qu’est-ce que cela prouve ? Tout artiste ne retient de la réalité que ce qui est conforme à son dessein ; et, en outre, toute satire est forcément injuste. Mais ici l’injustice paraît si grande qu’elle vient peut-être d’un sentiment plus profond et plus réfléchi qu’on ne croit. Et si c’est à l’institution même que M. Daudet en veut ? Pensez-vous que les raisons manquent pour cela ? Elles ne manquent jamais pour rien, les raisons. Tâchons de pénétrer celles de l’auteur de Sapho.

On conçoit à la rigueur qu’à une époque où tout était chose d’État, où s’achevait l’unité de la France, où toute son histoire aboutissait enfin à la monarchie absolue, où partout, dans les mœurs, dans les manières, dans la religion, dans les lettres, triomphait le même esprit de discipline et d’autorité, un cardinal ait eu l’idée de préposer une compagnie de lettrés à la fixation et à la conservation de la langue. Mais aujourd’hui ? dans une société si différente de l’ancienne et quand la notion même de l’État se trouve quasi renversée ? Quelle cuistrerie insupportable de vouloir que l’art et la littérature continuent à relever d’une sorte de tribunal revêtu d’un caractère officiel ! et quel enfantillage que ces distributions de prix, ce prolongement du collège qui assimile pour toute la vie les littérateurs à des écoliers ! Et ne dites pas : « C’est tout ce qui nous reste de l’ancienne France ; gardons une institution si vénérable par son anti-