Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

poète y place une « flore inconnue ». Inconnue ? Cela signifie proprement qu’il nous est fort difficile d’en imaginer une plus belle que la flore terrestre. — Faustus et sa compagne connaissent d’abord les jouissances du goût et de l’odorat. Ils respirent des fleurs, boivent de l’eau et mangent des fruits. Mais quels fruits ! et quelle eau ! et quelles fleurs ! — Laissez-moi donc tranquille ! Quand le poète nous a dit que cette eau est suave et fortifiante, que tel parfum est discret comme la pudeur, ou léger comme l’espoir, ou chaud comme un baiser, et que les « arbres somptueux » portent des « fruits nouveaux », il est au bout de ses imaginations ; et nous sentons bien que ce ne sont là que des mots, et que, moins timoré ou plus franc, il eût simplement transporté dans son Paradis les coulis du café Anglais et les meilleurs produits de la parfumerie moderne, ou qu’il se fût contenté de mettre en vers cet admirable conte de l’Île des plaisirs, où le candide Fénelon exhorte les enfants à la sobriété en les faisant baver de gourmandise.

Faustus et Stella savourent ensuite la forme et les couleurs… et c’est encore la même chose. Car, que pouvons-nous rêver de supérieur à la beauté de l’homme et de la femme, à celle de la nature ou à l’éclat du soleil ? Et si parfois nous avons conçu quelque chose de plus beau ou de plus harmonieux que la réalité, n’avions-nous point l’art pour fixer notre rêve ? Stella nous dit que, dans cette bienheu-