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entant Bourrienne est un coquin qui se venge d’avoir été pris la main dans le sac. L’abbé de Pradt est un espion, Miot de Mélito un plat fonctionnaire. Mme de Rémusat est une coquette dépitée et une femme de chambre mauvaise langue. Tous ces témoins avaient des raisons pour ne pas dire la vérité. Le prince en conclut qu’ils ne l’ont jamais dite. C’est peut-être excessif.

J’abandonne les autres ; mais je ne puis m’empêcher de réclamer un peu pour cette charmante Mme de Rémusat. Vraiment on lui prête une âme trop basse, des rancunes trop viles, trop féroces et trop longues. Je veux bien (quoique, après tout, cela ne soit nullement prouvé) qu’elle ait été déçue soit dans son amour, soit dans son ambition ou sa vanité ; je veux qu’elle en ait gardé du dépit, et qu’elle ait vu Napoléon d’un tout autre œil qu’auparavant. S’ensuit-il qu’elle l’ait calomnié ? Qui dira si c’est avant ou après sa mésaventure qu’elle a le mieux connu l’empereur ? Je suis tenté de croire que c’est après. On peut parfaitement soutenir que l’amour et l’intérêt aveuglent plus que la rancune. Je crois d’ailleurs sentir, dans ses Mémoires, que c’est à regret qu’elle s’est détachée de son héros, qu’elle n’a découvert que peu à peu son vrai caractère, et que cette découverte lui a été une douleur, non un plaisir méchant. C’était une femme fort intelligente, — habile, et même adroite ; — ce n’était pas un petit esprit, ni un cœur bas. Je crois, pour ma part, à la