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le monde, je n’accepte les conditions de personne », ni les obligations d’aucune espèce. Il ne fait rien pour un intérêt national, supérieur au sien. Général, consul, empereur, il reste officier de fortune et ne songe qu’à son avancement. Par une lacune énorme d’éducation, de conscience et de cœur, au lieu de subordonner sa personne à l’État, il subordonne l’État à sa personne. Il sacrifie l’avenir au présent, et c’est pourquoi son œuvre ne peut être durable. Entre 1804 et 1815 il a fait tuer environ quatre millions d’hommes. Pourquoi ? Pour nous laisser une France amputée des quinze départements acquis par la République…

Ce résumé, je le sais, est fort décharné. Chaque proposition dans M. Taine s’appuie sur des faits significatifs et rigoureusement ordonnés. Les propositions s’enchaînent et, au-dessous d’elles, les séries de faits se commandent. Cela ressemble aux assises successives d’un vaste monument. M. Taine construit un portrait moral comme on construirait une pyramide d’Égypte. Ce que sa bâtisse a de grandiose a dû disparaître dans le plan très sommaire que j’en ai donné. Mais, enfin, ce plan est fidèle ; et qu’y voyons-nous ? La première partie nous montre que Napoléon fut un homme d’un surprenant génie ; et la seconde, que ce génie fut égoïste, et, au bout du compte, malfaisant. Nul ne l’a peut-être établi avec plus de force et de méthode que M. Taine ; mais bien d’autres l’ont dit avant lui, et, pour ma part, je l’ai