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moule à part, composé d’un autre métal que ses contemporains.

Les idées ambiantes n’ont pas de prise sur lui. S’il parle le jargon humanitaire de son temps, c’est sans y croire. Il n’est ni royaliste, ni jacobin. Il descend des grands Italiens, hommes d’action de l’an 1400, aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d’États viagers ; il a hérité, par filiation directe, de leur sang et de leur structure innée, intellectuelle et morale.

Il a d’abord, comme eux, un esprit vierge et puissant, qui n’est point, comme le nôtre, déjeté tout d’un côté par la spécialité obligatoire, ni encroûté par les idées toutes faites et par la routine. C’est un esprit qui fonctionne tout entier et qui jamais ne fonctionne à vide. Les faits seuls l’intéressent. Il a en aversion les fantômes sans substance de la politique abstraite. Toutes les idées qu’il a de l’humanité ont eu pour source des observations qu’il a faites lui-même. Joignez que sa puissance de travail, d’attention et de mémoire est prodigieuse. Il a trois atlas principaux en lui, à demeure, chacun d’eux composé « d’une vingtaine de gros livrets » distincts et perpétuellement tenus à jour : un atlas militaire, recueil énorme de cartes topographiques aussi minutieuses que celles d’un état-major ; un atlas civil, qui comprend tout le détail de toutes les administrations et les innombrables articles de la recette et de la dépense ordinaire et extraordinaire ; enfin, un