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Tournons-nous, il en est temps, vers ce pays d’utopie cher à George Sand. Elle a reflété dans ses livres toutes les chimères de son temps ; et, comme elle était femme, elle a ajouté à son rêve celui de tous les hommes qu’elle a aimés. Cette partie de son œuvre, qui semblait caduque, m’attire aujourd’hui tout autant comme le reste. Le monde ne vit que par le rêve.

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Que reproche-t-on encore à George Sand ? Les pharisiens ont dit que ses premiers romans avaient perdu beaucoup de jeunes femmes, et — comédie exquise — les romanciers naturalistes ont parlé comme les pharisiens. M. Zola, lourdement, nous montre, dans Pot-Bouille, une petite bourgeoise qui tombe pour avoir lu André. Hélas ! celles qui ont pu tomber après avoir lu André ou Indiana étaient mûres pour la chute ; et peut-être que, sans Indiana, elles seraient tombées plus brutalement et plus bas. Si George Sand a paru reconnaître, dans ses premiers romans, le droit absolu de la passion, c’est uniquement de celle qui est « plus forte que la mort » et qui la fait souhaiter ou mépriser. Il se peut que ses romans, mal compris, soient pour quelque chose dans les erreurs de Mme Bovary ; mais alors c’est aussi grâce à eux qu’il lui reste assez de noblesse d’âme pour chercher un refuge dans la mort. Sans