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neille et les grandes Précieuses, revient, vers 1660, à plus de vérité, avec Racine, Molière et Boileau. Mais ne trouvez-vous pas qu’en tenant compte de la différence des temps il s’est passé dans notre siècle quelque chose d’assez semblable ?

Après le glorieux règne des écrivains généreux et croyants, optimistes, idéalistes, épris de rêve, il s’est produit un mouvement de littérature réaliste, très brutale et très morose. La catastrophe de 1870 est encore venue augmenter la tristesse et l’âpreté des sentiments. Les grandes âmes confiantes et largement épandues qui avaient abreuvé nos grands-pères de poésie et de chimères paraissaient bien naïves à leurs petits-fils et leur étaient devenues presque indifférentes. Je me souviens que, plus jeune, je me suis grisé autant que personne de ce vin lourd du naturalisme (si mal nommé). Et il faut avouer qu’en dépit des excès et des malentendus, ce retour au vrai n’a pas été infécond, et qu’au surplus cette réaction était inévitable et parfaitement conforme aux lois les plus assurées de l’histoire littéraire.

Mais il semble que ce mouvement soit déjà bien près d’être épuisé. On commence à éprouver une grande fatigue, soit du roman documentaire, soit de l’écriture artiste et névrosée. Et voilà qu’on se retourne vers les dieux négligés, et qu’ils vont nous redevenir chers et bienfaisants.

Et pourquoi ne pas se remettre à aimer George